Par Louis D’or BALEKELAYI NYENGELE
Ingénieur concepteur en informatique de gestion,
Diplômé d’études approfondies (DEA) en SIC (UNISIC/EX IFASIC)
Chef de travaux au département de la communication numérique (ISIPA),
Doctorant en sic (UNISIC/ EX IFASIC) et chercheur en numérique
+24381888999
INTRODUCTION
La souveraineté numérique est une problématique de grande actualité dans un monde en perpétuelle mutation grâce à l’assomption du nouveau paradigme numérique et ses enjeux multiples sur la marche de la société, en général, et de la République démocratique du Congo, en particulier.
Très peu ou mal connue du grand public, la notion de souveraineté numérique a été abordée pour la première fois par nous dans une conférence scientifique en marge des matinées organisées par le Centre de Recherches en Sciences Humaines, CRESH en sigle. Matinées auxquelles nous avons été invités en tant qu’intervenant en qualité de doctorant-chercheur dans le numérique depuis une décennie.
Nous avons ainsi estimé opportun de cristalliser aussi cette réflexion dans la revue scientifique de l’UNISIC.
En effet, la question de la souveraineté numérique presqu’intimement liée à celle de l’indépendance politique, à quelques nuances près, mérite d'être examinée en République démocratique du Congo après 65 ans d'indépendance. En ceci que la souveraineté numérique est un système qui permet aux dirigeants du pays de mériter la confiance des dirigés quant à la protection de leurs données personnelles, leur hébergement sécurisé dans les data center nationaux...
La souveraineté numérique de la RDC est également liée à la maîtrise et au contrôle des systèmes informatique, électronique, de l’internet et de la fibre optique comme support de transmission pour les télécommunications. 65 ans d’indépendance après, il y a lieu de faire un état des lieux de cette question de souveraineté numérique du pays, en dégager les forces et les faiblesses et jeter les fondements théoriques pour la conquête de la souveraineté numérique du Congo-Kinshasa.
Ce, après un diagnostic de la problématique dans sa globalité et sa complexité, mieux sa transversalité systémique ainsi que sa causalité circulaire. Problématique qui se situe dans le champ du numérique comme nouvelle discipline dans les sciences de l’information et de la communication au cœur desquelles la communication numérique occupe une place de choix.
C’est pour cette raison que Michel MARCOCCIA écrit : « La communication numérique renvoie à toute forme d’échange communicatif dont les messages sont véhiculés par des réseaux télématiques, c’est-à-dire basés sur la combinaison de l’informatique et des télécommunications, de la téléphonie mobile en passant par l’internet. La communication numérique est donc le terme générique englobant divers types de situations de communication interpersonnelle (privé ou public) par courrier électronique, forums, tchats, plateformes de réseaux sociaux ».
C’est dire que la communication numérique est une composante majeure de la souveraineté numérique.
« De l’indépendance politique à la souveraineté numérique de la RDC. Évaluation et perspectives », telle est la problématique sous examen dans cet article.
Pour des raisons méthodologiques et pédagogiques, notre intervention va porter sur 4 points à savoir :
- Eclairage terminologique
- Regard historique sur le numérique congolais
- Absence de souveraineté numérique 65 ans après
- Facteurs de conquête de la souveraineté numérique de la RDC
- ECLAIRAGE TERMINOLOGIQUE
Un adage très célèbre dit « pour éviter la guerre, il faut commencer par définir les sens des mots ». Après deux matinées scientifiques consacrées à la thématique principale ci-dessus évoquée, et il nous a semblé inopportun de revenir sur la définition de quelques concepts opératoires de ladite thématique surtout après des brillants exposés des têtes couronnées du monde scientifique conviées à ces assises. Mais, pour respecter l’adage évoqué plus haut, qu’il nous soit permis d’élaguer tout galvaudage sémantique qui pourrait entourer les concepts du sous thème qui nous a été demandé de développer.
- INDÉPENDANCE POLITIQUE ET SOUVERAINETÉ
Le mot indépendance selon le dictionnaire des synonymes signifie l’autonomie, la liberté et la souveraineté. Son contraire est l’allégeance, l’asservissement, la dépendance, l’esclavage et la subordination
Comme on peut le voir, indépendance et souveraineté sont des concepts voisins si pas synonymes en ce que la souveraineté sous-entend l’autorité suprême d’une nation, d’un peuple, d’un Etat qui n’est pas soumis à un autre.
Et donc, la souveraineté, c’est un pouvoir reconnu à un Etat d’élaborer ses lois et de le mettre en pratique en jouissant de l’exclusivité de ses compétences législatives.
- LA SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE QUID ?
Avec la présence de l’adjectif numérique, la souveraineté tout en gardant son contenu dans le fond porte une menace dans la forme quant aux méthodes et outils utilisés. Si la souveraineté au sens classique recourt aux méthodes dites analogiques quant à la façon d’élaborer les lois et les appliquer, la souveraineté numérique quand elle s’exerce dans un nouvel environnement numérique.
Ceci nous oblige de comprendre le sens de l’adjectif numérique, sans être dans les détails de ses origines anglaises à savoir « number » tiré de la notion informatique de nombre binaire 0 et 1 , 0 comme absence d’information et 1 comme présence d’information. C’est ce que l’on appelle en informatique le système de numérotation binaire, « binary digit en anglais » c’est-à-dire chiffre binaire , « bit », un bit représentant par convention 0 et 1. C’est la base même du fonctionnement de l’informatique, de l’électronique et bref du numérique.
Permettez -nous de vous épargner de cette gymnastique en faisant tout simplement remarquer que le numérique aujourd’hui est un nouvel environnement qui recouvre à la fois les sciences et les technologies de l’information et de la communication. Quand on parle du numérique, c’est aussi la combinaison de l’informatique, de l’électronique, des télécommunications mais également de l’intelligence artificielle
Ainsi donc, la souveraineté numérique autrement appelée « cyber souveraineté » est l’application des principes de souveraineté au domaine des technologies de l’information et de la communication, c’est-à-dire à l’informatique et aux télécommunications. Bien que liée à l’internet, elle se veut un élément de la souveraineté politique, économique et nationale d’un Etat. C’est donc une nouvelle notion des sciences politiques qui sous-entend la maîtrise des technologies numériques dans sa façon de faire la politique, de bâtir l’économie moderne où les entreprises affirment leurs compétitivités par leurs capacités à utiliser les outils numériques. Ses fondements remontent aux années 1947-1951 après la seconde guerre mondiale quand les USA se sont imposés comme superpuissance mondiale dominante sur l’Europe de l’Est grâce au Plan Marshall (1966-1975).
Le premier personnage à utiliser l’expression souveraineté numérique en 2011, c’est Pierre Bellager dans la revue les Echos quand il déclare ; « la souveraineté numérique est la maîtrise de notre présent et de notre destin tels qu’ils se manifestent et s’orientent par l’usage des technologies et des réseaux informatiques. »
Bref, la souveraineté numérique suppose pour un Etat sa capacité de produire des informations, de le stocker de manière sécurisée et de le stocker sur son territoire conformément à sa réglementation en la matière.
Ce déminage conceptuel étant fait, il y a lieu à présent de passer au point suivant qui est le deuxième de notre intervention.
- REGARD HISTORIQUE SUR LE NUMÉRIQUE CONGOLAIS
- 1 La problématique du numérique de 1960 à 2024
Après l’accession du 30 juin 1960 du Congo-Kinshasa à la souveraineté nationale et internationale, l’instabilité politique due aux sécessions du Katanga et du Sud Kasaï, le lieutenant Général Joseph Désiré MOBUTU, commandant en Chef de l’armée nationale congolaise prit le pouvoir par un coup d’Etat le 24 Novembre 1965 avec la destitution du Président Joseph Kasa-Vubu.
Dans ce contexte, le Secteur stratégique des télécommunications dominé par une bureaucratie excessive et une concentration externe du pouvoir décisionnel et une absence d’esprit commercial dans un monde en pleine mutation n’a pas échappé aux réformes du nouveau pouvoir en place.
L’administration des postes, téléphones et télécommunications a pu céder la place à un établissement public dénommé « office congolais des Postes et Télécommunications » OCPT devenu aujourd’hui SCPT détenant le monopole absolu du service public et appliquant sa réglementation aux acteurs privés intervenant dans ce secteur.
Puis est né le « le Réseau national des télécommunications par satellite », RENATELSAT qui avait pour mission la transmission des programmes de la radio et télévision nationales de Kinshasa vers les Provinces, le tout se faisait dans une logique monopolistique qui a montré ses limites vers les années 1971 appelant de petites réformes suite à la dichotomie entre textes et réalités.
C’est en 1989 que l’opérateur privé Telecel est devenu Starcel par la suite spécialisé dans la téléphonie mobile sans fil.
Toujours est à faveur de cette démonopolisation, en 1997, le Gouvernement oblige les opérateurs du Secteur à se conformer au GSM (Global System for mobile communication) comme standard officiel du fonctionnement des réseaux mobiles.
En 2000, Celtel Congo devenu Airtel Congo voit le jour suivi d’un autre opérateur privé en 2002, à savoir Vodacom.
Il a fallu attendre le 05 décembre 2012 pour voir Congo Chine Télécom (CCT) aujourd’hui Orange RDC ouvrir ses portes en RDC. Ce, avant Africel RDC (quelques mois après orange RDC la même année 2012, fait remarquer Jordy PANZA dans une monographie consacrée à cette question).
L’histoire du numérique congolais est intentionnellement lié au secteur des télécommunications qui a bénéficié des réformes de 2022 qui ont brisé le monopole jadis réservé à l’Etat, réformes apportées par la loi cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002, à en croire KODJO NDUKUMA ADJAY, chercheur congolais en économie numérique.
La question à se poser aujourd’hui est celle de savoir si ces réformes contribuent à la lutte pour la conquête de la souveraineté numérique en matière des télécommunications. Nous répondrons à cette question dans la suite de notre exposé. Mais, il convient de noter aussi que l’histoire du numérique congolais est aussi liée tant à l’historique de l’informatique en RDC que de l’internet.
C’est en 1995 que l’internet est ouvert au public congolais à travers quelques cybercafés dans la capitale congolaise. Y avoir accès était un luxe étant donné les tarifs très élevés de la connexion proposés par les fournisseurs d’accès internet ou providers ;
Les recours à l’internet impliquent l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication que notre pays depuis 1960 continue à importer alors qu’il dispose de matières premières pour la fabrication locale de ces nouveaux outils informatiques. A savoir l’ordinateur, la tablette, le smartphone et les téléphones mobiles conçus dans les normes idéologiques et culturelles d’ailleurs et imposés aux filles et fils de notre Pays.
Sommes-nous numériquement souverains ? Nous répondons également à cette question à travers cette réflexion.
Enfin, pour boucler ce deuxième point de notre intervention, rappelons qu’il n’y a pas véritablement de connexion internet haut débit sans la fibre optique.
L’histoire de ce canal de transmission des données est également liée à celle du numérique congolais. Voilà qui nous oblige d’en tracer sommairement le parcours de la genèse du projet à nos jours.
1.3. HISTORIQUE DE LA FIBRE OPTIQUE EN RDC : RATÉS ET ENJEUX MULTIPLES
La Fibre Optique est un fil en verre ou en plastique très fin, ayant la taille d’un cheveu et qui a la propriété d’être un conducteur de la lumière et sert de transmission des données numériques massives et sécurisées.
La fibre optique est aujourd’hui « un support beaucoup plus en vogue ; elle ne présente pas de dégradation de signal à cause de la distance par rapport à la centrale thermique. Pas non plus de parasites. Elle est insensible à l’humidité et aux variations thermiques. Il n’y a pas non plus de flux électrique ni d'émissions de chaleur. Elle ne connaît pas d’émission d’ondes électroniques à très haute fréquence et dont on redouterait les effets sur la sécurité ou les ondes qui caractérisent les technologies sans fil comme le WIMAX de la téléphonie mobile »
C’est par cela qu’il est précisé : « quelles que soient les technologies médiatiques utilisées, toute communication implique qu’il y ait transmission d’information représentées sous diverses formes : textes écrits (sons, images, données informatiques. Ceci implique que ces informations soient produites, traduites pour ensuite être véhiculées à distance par l’intermédiaire de divers réseaux téléphoniques, câble, satellites ou fibre optique qui forment l’ensemble du système médiatique ».
Comme cumul de transmission des données numériques massives et sécurisées, la fibre optique sous-marine, aérienne ou souterraine, les chercheurs dont nous-mêmes en particulier après 14 ans de recherche sur cette nouvelle technologie, affirmons à l’unanimité que la fibre optique est le meilleur support de transmission en termes de fiabilité. Elle prend donc la place qui était hier celle des câbles à paires torsadées, des câbles coaxiaux, des liaisons infrarouges, des faisceaux hertziens et des satellites qui ont démontré leurs limites dans la perte du signal au cours de la transmission des données.
Tout en en reconnaissant au satellite son importance en tant que vecteur du numérique pour sa connexion internet sur le plan économique dans les télécommunications et les prévisions météorologiques, sur le plan scientifique pour l’observation de la terre, de l’océanographie ou encore de l’altimétrie, la grande faiblesse de satellites par rapport à la fibre optique, c’est leur courte durée de vie. Soit 10 ans pour les satellites à orbite basse et de 15 ans pour les satellites géostationnaires. A ceci s’ajoute la lourdeur de ces outils à transmission et la perte du signal face aux intempéries mais aussi les coûts de fabrication et de leur lancement. C’est pour toutes ces raisons que la fibre optique reste un moyen d’interconnexion efficace.
Parce qu’il s’agit dans cette intervention d'évaluer 65 ans après l’indépendance, la marche vers notre souveraineté numérique, qu’ils nous soient permis de rappeler les grandes étapes de l’histoire de la fibre optique en République Démocratique du Congo comme nous l’avons fait pour le numérique dont elle est le catalyseur et pour les télécommunications et l’informatique.
Le but étant de voir si nous avons bâti notre souveraineté numérique en la matière.
L’histoire de la fibre optique remonte à la décennie 90 avec les projets AFRICAONE et SAT3 sous le Zaïre mais qui n’ont pas aboutit à cause de crise politique de l’époque.
En 2004, la RDC à un autre projet dénommé WAFS (West Africa Feston System). C’est un projet régional initié par l’Afrique du sud. Ce projet prévoyait le déploiement de Cape Town à Lome Togo.
Avec des points d’atterrage à Luanda, Muanda, Pointe Noire, Libreville, Limbe au Cameroun et Lagos au Nigeria.
En Mars 2008 sur vingt Million de dollars attendus comme engagements financiers, de la RDC, seuls onze millions ont été versés dans ce projet. Et le non-respect de ces engagements a eu pour conséquence la non connexion du pays à la fibre optique.
En 2009, un autre projet de déploiement de la fibre optique est proposé à la RDC dénommé projet WACS (West Africa Cable System). La SCPT a été chargée avec le ministère de tutelle de l’époque de matérialiser ce projet. Malheureusement sur le Six cents millions de dollars du coût global de ce projet la contribution de la RDC de l’ordre de vingt-cinq millions de dollars a payé au consortium n’ont été payés pour des raisons non expliquées.
C’est en 2010 seulement que la RDC a su suppléer Cinq millions neuf cents quarante-quatre mille cent cinquante dollars qui restaient sur le compte du projet antérieur non réalisé pour atteindre enfin le 25.000.000 $ exigés.
Le 18 février 2011, commencent les travaux de la pose du câble sous-marin à fibre optique à Muanda dans le Kongo central où devait être construite la station d’atterrage et cette argent à été détourné par un entrepreneur Indien qui n’avait pour adresse que son numéro de téléphone et celui de sa chambre d’hôtel selon le Ministre de tutelle de l’époque Tryphon KIN-KIEY MULUMBA devant la représentation nationale répondant à une question orale avec débat à ce sujet le 11 mai 2012, la RDC a raté encore une fois de se connecter à la fibre optique à partir de Cap Town en Afrique du Sud.
Toujours en 2012, cette fois-ci, le marché de construction de la Station d’atterrage de la fibre optique à Muanda est confié à un autre entrepreneur dénommé DORECO et le projet est inscrit parmi les priorités de 100 jours du gouvernement MATATA. Et la station d’atterrage de MUANDA a été finalement construite.
Enfin, après que le signal haut débit de la fibre optique parti de Londres soit arrivé à MUANDA, la RDC à été finalement connectée à la fibre optique le 08 Juillet 2013. Une façon pour le pays de marquer un pas vers son entrée dans la société de l’information et du numérique. Comme on peut le constater, le projet de la connexion du pays initié en 1990 a connu un retard de 34 ans en 2024 pour connaître son effectivité mais sans que toutes les villes et tous les territoires ne soient connectés. La SCPT et la société congolaise de la fibre optique ont le meilleur statut de spectatrices sur un marché devenu concurrentiel et où les privées dictent la Loi et déploient leurs propres câbles à fibre optique.
Ce projet de déploiement de la fibre optique initialement réparti par le Gouvernement congolais en deux phases dont la phase I de 650 km financier par Exim-bank de chine à hauteur de 31 millions de dollars sous l’ancien régime prévoyait la connexion des villes et villages situés sur l’axe Muanda-Bomba-Matadi-songololo-Kisantu-Kasangulu et Kinshasa.La fibre y existe concurrement avec celles des privés et ne dessert presque pas directement les congolais. Les privés qui l’achètent auprès de la SCPT , censée la commercialiser, mais devenue canard boiteux faute de subventions de l’état, la revendent à très cher aux abonnés à la téléphonie mobile et autres biens et services numériques.
La phase II, longue de 2.065Km financier à hauteur de 22 millions de dollars prévoyait le déploiement de la fibre optique sur l’axe devant relier Kinshasa à Lubumbashi- Kasumbalesa- chilabombwe en zambi en passant par Grand Bandundu et le Grand Kasai. Ce qu’on appelle l’autoroute internationale. Seule la province du haut katanga et du lualaba utilisent la fibre optique mais commercialisée par les privés. Les autres provinces situées sur cet axe, faute d’électricité qu’exige la fibre optique en sont privées.
Les autres phases devaient couvrir en fibre optique et relier Mbuji Mayi et Bukavu, Goma-Giseni au Rwanda d’un côté, Kinshasa à Kisangani (par le fleuve), Lubumbashi-Dilolo-Teixeira de souza en Zambie, Kamina- Kigoma (en Tanzanie) et de l’autre côté Kisangani-Isiro (par le fleuve et la rivière Ubangi), Zongo à Bangui (en Centrafrique) et le grand équateur en générale. Goma et kisangani, deux grandes villes utilisent la fibre optique commercialisée par les privées, laquelle fibre passe par l’Ouganda et le Rwanda. Cette dépendance numérique est un danger.
Car, il suffit qu’un des pays coupe la connexion, comme ce fut récemment le cas la veille de la célébration le 02 Août 2024 du GENOCOST CONGOLAIS à Kisangani pour constater les dégâts ainsi que les conséquences de la dépendance numérique. Cette deuxième phase reste donc un défi pour le Gouvernement congolais dans le cadre de la mise en œuvre du plan national du numérique et l’installation de la fibre optique sur le backbone national et les rings métropolitains.
Ceci nous amène à une évaluation globale de la problématique de la souveraineté numérique du pays après plu de six décennies d’indépendace politique.
- EVALUATION DE LA SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE DE LA RDC 65 ANS APRES INDÉPENDANCE
Cette évaluation mérite d’examiner et cela sans complaisance les forces et les faiblesses de notre pays dans sa marche vers sa souveraineté numérique après l’indépendance politique.
III.1. Forces
Il convient de relever les points forts du processus de numérisation de notre société ci-après :
- Prise de conscience de la place du numérique dans la prise des décisions politique et son rôle de l'essor économique et la transformation digitale ;
- Existence d’un cadre légal pour réglementer le secteur du numérique, des télécommunications et même de la communication numérique pour régenter le Marché numérique congolais. On peut citer de manière non exhaustive les textes ci- après :
- La constitution de la République Démocratique du Congo ;
- L’ordonnance-Loi n° 23/010 du 13 Marc de 2023 portant le code du numérique en RDC ;
- L’ordonnance-Loi n°20/017 du 25 novembre 2020 sur les Télécommunications et le NTIC
- L’ordonnance-Loi n°23/009 du 13 Mars 2023 fixant les modalités de l’exercice de la Liberté de presse d’information et d’émission par la radio et la télévision, la presse écrite et la presse en ligne
A ces textes de loi s’ajoute un document important dénommé le Plan National du Numérique. Horizon 2025. Il s’agit de la vision du Président en exercice Felix TSHISEKEDI, vision portée le Gouvernement de la République dans sa politique du numérique et décliné en 4 axes. Il s’agit de :
- Les infrastructures
- Les contenus
- Les usages applicatifs
- La gouvernance-régulation
Cette stratégie du développement numérique visé à l’horizon 2025 :
- La mise en place et la modernisation ;
- L’extension de la couverture des télécommunications et de l’accès au numérique ;
- La sécurisation des voies et accès aux contenus numérique ;
- La transformation numérique des administrations et des entreprises,
- L’exploitation des plateformes des technologies financières ;
- L’amélioration du capital humain ;
- La production, la promotion, l’hébergement et la sauvegarde du contenu national ;
- La promotion du numérique comme « levier d’intégration et de progrès social » par les politiques publiques.
Comme on peut le constater, cette vision peut contribuer à l’accroissement de la capacité du pays dans sa transformation numérique. Notamment la circulation des informations, l’économie de la donnée, l’économie de la croissance, la transparence et la traçabilité, l’interopérabilité des systèmes d’informations.
III.2 Faiblesses
65 ans d’indépendance après politique après, la RDC n’a toujours pas affirmé sa souveraineté numérique.
65 ans après, la RDC est toujours dépendante de l'extérieur du point de vue de technologies numériques.
Les moyens de communication, et les logiciels des gestions sont importés et imposés de l’extérieur sans tenir compte de nos réalités culturelles et de notre environnement socio-économique.
65 ans après, la RDC, hormis le domaine .CD, récemment imposé par la loi mais pas toujours appliquée beaucoup de sites internet et données numériques sont hébergés à l’étranger.
65 ans après les comptes Facebook, WhatsApp, Tik Tok Instagram et autres sont gérés de l’extérieur ainsi que leurs contenus malgré le semblant de confidentialité.
65 ans après notre économie demeurent analogiques et extravertis mais aussi évaluée par les experts étrangers.
65 ans après, la RDC ne disposerait pas encore les outils numériques pour anticiper les évènements par la détection.
65 ans après, nos adresses mail Yahoo.fr, Gmail.com témoignent de notre subordination numérique aux pays du Nord.
65 ans après, les géants de l’internet mondial nous imposent des contenus idéologiques et souvent déviants (Google, Microsoft, Facebook et Amazon)
65 ans après, nos téléphones portables même ce que vous avez dans cette salle sont contrôlés de l'extérieur.
65 ans après, on ne dispose pas d’armée digitale structurée pour faire face à l’intox de la diabolisation étrangère.
65 ans après, nos télécommunications, notre fibre optique sont contrôlées par les privés au détriment des entreprises et établissements publics du pays.
65 ans après, nous subissons l’information idéologique collectée et traitée par les chaînes des télévisions satellitaires étrangères
Ces défis devraient nous pousser à nous unir pour la conquête de notre souveraineté numérique
- FACTEURS DE CONQUÊTE DE LA SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE DE LA RDC
Plusieurs facteurs pour assurer notre souveraineté numérique méritent d’être sommairement évoqués. Car aujourd’hui même une indépendance politique ne vaut rien tant que l’on n’a pas connaissance du numérique qui englobe tous les secteurs de la vie.
- Facteurs politico-juridico-administratifs
- La volonté politique d’investir davantage dans le numérique ;
- L’instauration dans le système éducatif congolais des « humanités numériques » précédées de 2 ans de l’Ecole maternelle, 6 ans d’Ecole Primaire avec 50% des cours à caractère informatique et l’initiation aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Objectif : avoir une main d’œuvre qualifiée en numérique (télécommunications, informatique, électronique et l’intelligence artificielle) à l’horizon 2050
- L’autonomisation du ministère du numérique et la création des divisions provinciales de ce ministère, le conseil national du numérique et ses répondants provinciaux. Objectifs ; création des emplois pour des milliers d’étudiants formés dans le domaine de la communication numérique en particulier et en numérique en général. Déjà la Russie en 2024 forme 1 millions praticiens du numérique à l’horizon 2050 pour réaffirmer sa souveraineté numérique par le contrôle de tous les secteurs de la vie nationale dans le contexte de la montée en puissance de l’art de la guerre digitale dans un monde en perpétuelle transformation numérique,
- Des politiques publiques claires en la matière et évaluables. Notamment l’évaluation et la mise en œuvre du Plan national du Numérique
- Application et vulgarisation en langues nationales du cadre juridique sur le numérique et les télécommunications. A savoir :
- L’ordonnance-Loi n° 23/010 du 13 Marc de 2023 portant le code du numérique en RDC ;
- L’ordonnance-Loi n°20/017 du 25 novembre 2020 sur les Télécommunications et le NTIC ;
- L’ordonnance-Loi n°23/009 du 13 Mars 2023 fixant les modalités de l’exercice de la Liberté de presse d’information et d’émission par la radio et la télévision, la presse écrite et la presse en ligne ;
- Loi organique n°11/001 du 10 Janvier 2011 portant composition, attributions et fonctionnement du conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication ;
- Loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l’autorité de régulation de la poste et des télécommunication, ARPTC en sigle ;
- Révisitation du cadre légal sur les télécommunications qui fait la part belle aux privés nonobstant les bienfaits de la concurrence et redonner la vie et l’espoir aux entreprises et établissements publics du secteur comme la SCPT et la société congolaise de la fibre optique,
- L’ordonnance-Loi n°23/009 du 13 Mars 2023 fixant les modalités de l’exercice de la Liberté de presse d’information et d’émission par la radio et la télévision, la presse écrite et la presse en ligne ;
- L’ordonnance-Loi n°18/019 du 09 juillet 2018 relative aux systèmes de paiement et règlement des titres, le fonctionnement des titres fonciers, la reconnaissance de la preuve et la signature électronique pour les transactions bancaires et financières, obligation de l’interopérabilité bancaire et paiement bancaire ( par carte, prélèvement ou virement, les peines fixées pour les infractions de paiement électronique) ;
- L’ordonnance-Loi n°87-243 du 22 juillet 1987 portant réglementation de l’activité informatique au Zaïre ( à revisiter pour l’adapter aux enjeux de la révolution numérique)
- Mise en place de la diplomatie numérique au niveau des institutions nationales, des ambassades de la RDC à l’étranger pour interagir en temps réel dans les échanges en relations internationales ;
- L’instauration des visas électroniques d’entrée en RDC;
- Formation d’une armée numérique nationale suréquipée avec les outils requis par l’art de la guerre digitale pour faire face à ce nouveau type de lutte politique internationale dans un monde globalisé où la possession anticipative de l’informations numérique est plus que le pouvoir politique pour défendre les nouveaux territoires numériques de la RDC (aérien, maritime, fluvial et lacustre) à contrôler par télématique et télédétection ainsi que l’Intelligence artificielle.
- Investir dans la communication numérique par l’initiation aux usages et pratiques numériques ;
- Facteurs technico-économico-financiers.
- Poursuivre le déploiement de la fibre optique sur le backbone national et les différents rings métropolitains en priorisant les entreprises locales pour assurer notre souveraineté numérique et réunir pour elles les conditions de commercialisation de la Fibre optique auprès des prives, condition pour assurer à moindre coût l’accès aux congolaises et congolais à la connectivité à moindre coût notamment pour la téléphonie mobile ;
- A ce propos l’observatoire du marché de la téléphonie mobile, structure relevant de l’Autorité de régulation des Postes et télécommunications devait jouer leur rôle dans les limites de leurs compétences par rapport au ministère de tutelle et rendre trimestriellement compte du nombre d' abonnés à chaque société de télécommunications installées en RDC, la tarification officielle des biens et services numériques mis à ma disposition des congolaises et congolais ;
- Nécessité de baliser anticipativement le terrain pour l’avènement de la dernière génération de la téléphonie mobile appelée la 5G et se préparer à accueillir la 6G attendue à l’horizon 2030. Les générations de téléphonie mobile changeant tous les dix ans après en fonction de leur latence (temps de téléchargement) et du débit (vitesse de transmission des informations ou données) ;
- Obligation faite aux sociétés de télécommunications de verser au trésor public conformément à la loi °20/017 du 25 novembre 2020 sur les Télécommunications et les NTIC de 3% de leur chiffre d’affaires à revoir par ailleurs avec le concours de l’Inspection générale des finances pour la traçabilité au niveau du trésor public,
- Contrôler en associant des experts congolais patriotes le déploiement de la fibre optique et son exploitation ouverte aux privés dans le respect des prescrits de la Loi en la matière,
- Construction des Data center au niveau national et mettre fin à l’hébergement des données numériques du pays à l’étranger pour assurer notre souveraineté numérique et éviter des coupures de connexion internet par fibre optique à partir de l’étranger ;
- Parachever les travaux de finalisation et de la mise sur orbite du satellite d’inspiration congolaise sans exclure l’ouverture prudente à l’expertise extérieure ;
- Faire de la RDC un Hub électronique au cœur de l’Afrique ;
- Moderniser, dans le cadre de l’immersion dans le marché numérique, l’économie nationale voulue diversifiée, pas exclusivement centrée sur les minerais et opérer la mutation substantielle vers l’économie numérique ou l’e-commerce (commerce en ligne) ;
3. Facteurs socio-scientifiques
- Le télé travail pour raisons d’épidémie ou d’empêchement quelconque ;
- L’école ou l’université à distance ;
- La santé numérique ou la télémédecine ;
- La recherche scientifique dans la bibliosphère (bibliothèque numérique),
- L’interopérabilité des systèmes d’octroi des pièces d’identité (passeports, carte d’identité nationale, le permis de conduire …), notamment l’ONIP, les Ministères des affaires étrangères et des transports ;
Cette liste est loin d’être exhaustive, car le numérique est un secteur en perpétuelle mutation. Ce qui était nouveau hier ne l’est plus aujourd’hui et ne le sera plus demain. C’est tout le mystère futuriste des innovations technologiques.
CONCLUSION
A travers cette réflexion axée sur la problématique du passage de l’indépendance politique à la souveraineté numérique de la RDC. Évaluation et perspectives 65 ans après, notre démarche s’est voulue quadripartite. Nous avons premièrement fait un éclairage terminologique des concepts opératoires de la question sous examen pour en faciliter la compréhension et épargner au lecteur toute sorte de galvaudage sémantique.
Deuxièmement, nous avons jeté un regard historique sommaire sur le numérique congolais, entendez par là l’internet, les télécommunications et l’informatique de 1960 à 2024. Nous avons également retracé l’évolution du projet de la fibre optique de la décennie 90 à 2013, année de la connexion officielle du pays à la fibre optique après 34 ans de retard pris. Ce, à cause de multiples ratés liés aux détournements des fonds alloués au projet de déploiement de ce câble d’une importance capitale pour l’avènement du numérique congolais.
Troisièmement, nous avons fait un état des lieux du numérique en général et du taux de pénétration des nouvelles technologies de l’information et la communication et leur appropriation par les congolais. Il ressort de ce diagnostic que la République Démocratique du Congo dépend encore quasi totalement de l’étranger et que sa souveraineté numérique est à conquérir sans délai, au regard la menace que cette allégeance numérique représente pour le pays dans le cyber espace et les fous défis auxquels la patrie fait face depuis trois décennies d’insécurité.
Enfin, quatrièmement, nous avons fait des propositions pour la conquête de notre souveraineté numérique à l’horizon 2050. Ce, en indiquant les facteurs politico-juridico-administratifs, facteurs technico-économico-financiers et les facteurs socio-scientifiques.
La combinaison de ces facteurs pour la souveraineté numérique de la patrie orpheline de nos pères de l’indépendance politique fera émerger une élite intellectuelle initiée dès le bas âge aux usages et pratiques numériques et le renforcement des capacités par de régulières mises jours des connaissances des experts congolais existants dans le domaine du numérique. Ce champ qui, aujourd’hui, recouvre l’informatique, l’internet et l’intelligence artificielle, les télécommunications et l’électronique mais aussi et surtout la communication numérique à travers ses outils que sont les médias sociaux et les applications mobiles.
Ceci est un premier effort du genre dans ce nouveau champ de recherches en sciences de l’information et de la communication dans notre Pays.
BIBLIOGRAPHIE
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TABLE DES MATIÈRES
1. INDEPENDANCE POLITIQUE ET SOUVERAINETE 4
2. LA SOUVERAINETE NUMERIQUE QUID ? 4
3. REGARD HISTORIQUE SUR LE NUMÉRIQUE CONGOLAIS. 5
II. 1 La problématique du numérique de 1960 à 2024. 5
1.3. HISTORIQUE DE LA FIBRE OPTIQUE EN RDC : RATÉS ET ENJEUX MULTIPLES. 8
III. EVALUATION DE LA SOUVERAINTE NUMERIQUE DE LA RDC 65 ANS APRES INDEPENDACE. 12
IV. FACTEURS DE CONQUETE DE LA SOUVERAINETE NUMERIQUE DE LA RDC 14
1. Facteurs politico-juridico-administratifs. 14
2. Facteurs technico-économico-financiers. 16